Autrefois, un vieux baron vivait ici, dans son château. Chaque jour à sa table, il accueillait nombre de seigneurs et de chevaliers. Mais son hospitalité et la merveille des chasses qu’il donnait, ne suffisaient pas à expliquer une telle affluence ! Le baron avait une fille, Jeanne. Elle était blonde comme les blés, avait des yeux aux reflets d’or et un teint de lys. Les hommes en étaient fous !

Mais Jeanne n’en aimait qu’un. Raoul de Montcombroux, beau damoiseau et ménestrel ! Chaque soir, il venait chanter sous ses fenêtres « Dame dont le sourire captive pauvre cœur. Ah laisse-toi fléchir ou me faudra mourir ! »

Jeanne sortait du château par une issue secrète, et se précipitait dans les bras de son amour. Elle lui jura que jamais elle n’appartiendrait à un autre que lui. Mais un jour, Raoul dû quitter Jeanne pour s’en aller guerroyer… Et les années passèrent…

Le père de Jeanne, qui se sentait mourir, la pressait chaque jour de prendre un mari. Après plusieurs refus, et face au chagrin du baron, Jeanne dû se résoudre à épouser l’homme qu’il avait choisi… Son cousin Guillaume de Jaligny, grand chasseur et formidable buveur ! Trois années s’écoulèrent et Guillaume dormait d’un profond sommeil au côté de son épouse, quand soudain…

« Dame dont le sourire captive pauvre cœur. Ah laisse-toi fléchir ou me faudra mourir ! » Raoul était de retour ! Réveillé en sursaut, Guillaume bondit hors du lit ! Arme à la main, il s’en irait pourfendre l’imprudent qui venait de troubler sa nuit…

Jeanne accourut, suivant les pas de son mari. Mais lorsqu’elle arriva, il était trop tard ! A ses pieds, son époux et son amour de toujours étaient figés dans une mortelle étreinte. Désespérée, elle embrassait une dernière fois Raoul, avant de se laisser mourir de chagrin.

Depuis lors, on raconte que ces trois jeunes gens furent enterrés ensemble, sous le chœur de l’église. On dit aussi qu’au lieu où se déroula la bataille, on peut encore entendre le couplet plaintif de Raoul et les pleurs de cette pauvre Jeanne aux yeux d’or.

Arrête un peu de claquer du bec, Bianka ! Ce n’est qu’une légende ! Voilà en revanche queuqu’chose de ben réel… Ce caillou, c’est du calcaire. Le village entier est bâti sur cette roche. A partir de celle-ci, les hommes ont fabriqué de la chaux. C’était une activité très impourtante pour le village, aussi bien pour l’agriculture que pour la construction ! Six fours à chaux étaient en activité jusqu’en 1971…

Elle a une drôle de tête, ta roche calcaire… On dirait qu’elle est boursoufflée ?

Ça ma grande, c’est du calcaire à phryganes ! Si tu observes attentivement les murs autour de toi, tu verras qu’il y en a partout ! La phrygane est un insecte. Sa larve vit dans les cours d’eau et se protège des prédateurs en construisant un fourreau, qu'elle recouvre de brindilles et d’grains de sable…

Un vêtement près du corps, le fourreau… C’est d’ailleurs la phrygane qui m’a inspiré pour ma dernière collection « jupes & kilts »…

En parlant de milieu aquatique, savez-vous que pendant l’ère tertiaire, un immense lac s’étendait iqui ? Ce lac était rempli de sédiments qui se sont transformés en calcaire, creusé de millions de fourreaux...

Regardez attentivement cette pierre à gauche ! On voit bien où les larves nichaient !

Allez viens Bianka ! Il n’y a rien à craindre, je t’y dis ! Je ne vois parsoune…

C’est impossible ! J’ai pourtant vu briller les deux yeux dorés de Jeanne, juste au-dessus du chœur ! C’est vrai que maintenant… Je ne vois que cette peinture de Saint Michel, terrassant le dragon…

Tu as dû avoir la barlue ! Moi ce qui attire mon attention, c’est surtout cette voûte en forme de coque de bateau renversée... Ça envoie du bois, comme on dit dans l’bocage !

Je te remercie Margotte. Salut les bâtisseurs, alors elle vous plait ma charpente ? Cette église romane du 12^ème siècle est remarquable sur bien des plans. Sa sacristie, lieu où l’on se prépare pour les cérémonies, a été construite au 19^ème siècle. Elle n’est reliée à l’église que par un petit couloir. Et avez-vous remarqué son clocher-peigne ? C’est l’une des curiosités de la région ! C'est un clocher dans lequel les cloches sont incluses dans un simple pan de mur, percé d’ouvertures.

Bien le bonjour, my friends ! Vous venez certainement admirey le château de Chavroches ? Il était l’une des 17 châtellenies du Bourbonnais, siège du pouvoir financier, juridique et militaire. Cette place forte occupait un emplacement stratégique en dominant la vallée de la Besbre. Le bourg s’est construit autour de son château...

Là, regardez dans la fenêtre du donjon ! Ce sont encore les yeux de Jeanne ! Elle hante la forteresse !

Par Saint Georges, je ne vois rien du tout…

Mais ?! Nom d’un organiste, elle a encore disparu ! Je vous assure que je l’ai vue !

La Bianka, j’crois ben qu’elle est bredine… C’est sans doute le bruit d’ses cloches qui lui a tapé aux parois !

Sur cette place, les belles maisons témoignent de la prospérité de Chavroches, au début du 20^ème siècle. L’exploitation de la roche calcaire a permis d’embaucher de nombreuses personnes. Cette activité a même aidé au développement du chemin de fer !

Un petit train à vapeur passait au village. Le « tacot de Trezelles » permettait d’rejoindre les foires avoisinantes et d’acheminer les marchandises…

C’est bucolique par iqui… Oh ? Qu’est-ce qui vient de se poser sur mes cornes ? Ce sont deux papillons jaunes ! Quand la phrygane mue et quitte son fourreau, elle devient une sorte de papillon de nuit aux reflets dorés…

Fichtre. Ne cherchez plus Jeanne… Je crois que les yeux que j’ai vus étaient ces deux phryganes !

Haha ! Oh Bianka, you are fantastic ! Savez-vous que Jeanne et Raoul se retrouvaient dans les grottes situées sous le château ? Ces papillons habitués à l’obscuritéy pourront surement nous y mener !